Collection(s) : Un endroit où aller
Paru le 17/08/2016 | Broché sous jaquette 200 pages
Xavier Capodano (Le Genre urbain)
Il est toujours difficile d’émettre un jugement sur ce qu'est la grande littérature, surtout lorsque les « milieux autorisés » imposent le bon ou mauvais goût littéraire. Avec son dernier ouvrage 14 juillet (Actes Sud), Eric Vuillard nous permet de clamer haut et fort : « ça y est, je sais ce que c'est un très grand livre ! ». L'histoire est simple, évidente au premier abord, car nous sommes le 14 juillet 1789. Nous croyons connaître cet événement majeur qu'est la prise de la Bastille, puisque c'est notre fête nationale, mais en réalité, nous savons si peu de chose. Nous ignorons qui était dans la rue ce jour-là, nous ignorons qui a eu le courage de défier l'autorité séculaire de la monarchie et surtout nous ignorons qui a perdu la vie pour faire entrer notre pays dans la Révolution. Il serait trop facile de dire qu’Éric Vuillard va réhabiliter la mémoire de ces anonymes. Non, il va tout « simplement » leur donner vie, un nom, une histoire familiale, une adresse, un métier. Il va nous décrire leur joie, leur enthousiasme, leur colère, leur peur et pour certain la mort et la désolation. Vous serez avec eux, au milieu de cette foule qui bat le pavé et qui, avec hésitation, angoisse et témérité va prendre d’assaut la place forte. Ce qui fait de 14 juillet un très grand livre c’est de toute évidence une qualité de récit impressionnante voire envoutante qui raconte avec force cette journée si particulière. Mais ce qui fait aussi de 14 juillet un très grand livre, c’est qu’Éric Vuillard a su trouver les mots pour nous rendre notre Histoire et nous la faire aimer.
« un endroit où aller »
14 juillet
Paris est désormais au peuple. Tout chaviré. Aiguisé. Se baignant aux fontaines. La nuit est tombée. De petits groupes marchent sur les barrières. Ce sont des bandes d'ouvriers, de menuisiers, de tailleurs, gens ordinaires, mais aussi des porte-faix, des sans-emplois, des argotiers, sortis tout droit de leur échoppe ou du port au Bled. Et dans la nuit de la grande ville, il y eut alors une étincelle, cri de mica. L'octroi fut incendié. Puis un autre. Encore un autre. Les barrières brûlaient. Ce qui brûle projette sur ce qui nous entoure un je-ne-sais-quoi de fascinant. On danse autour du monde qui se renverse, le regard se perd dans le feu. Nous sommes de la paille.
Écrivain et cinéaste né en 1968 à Lyon, Éric Vuillard a reçu le prix Ignatius-J.-Reilly 2010 pour Conquistadors (Léo Scheer, 2009), le prix Franz-Hessel 2012 et le prix Valery-Larbaud 2013 pour Congo et La Bataille d'Occident (Actes Sud, 2012). Tristesse de la terre, prix Joseph-Kessel 2015, est son dernier livre paru chez Actes Sud (« un endroit où aller », 2014).