Collection(s) : Mu
Paru le 20/01/2021 | Broché 258 pages
traduit de l'anglais par Julien Bétan
Adrien Tournier
(LIBRAIRIE L'ATELIER)
" Le même endroit pouvait porter plusieurs nom : Jérusalem, Ursalim, Yerushalaïm. Chaque nom était lié à une histoire différente, concurrente. Que se passait-il, se demanda Tirosh, quand les gens devaient partager la même terre? Le même endroit, avec des noms différents; les mêmes batailles, avec des issues différentes."
Lavie Tidhar, inspiré de l'histoire bien réelle, nous plonge dans des univers multiples à un rythme effréné. Il imagine un monde où les juifs ne connaissent pas l'holocauste, où Hitler est assassiné en 1948 et où Palestina est fondée au cœur de l'Afrique. Pas plus qu'Israël aujourd'hui, ce n'est une utopie, la Palestina occupe le territoire des nandis, une peuplade africaine de l'Est du Kenya, Ararat City est la cible d'attaques terroristes qui exigent la fin de l'Occupation des Territoires disputés et l'État a décidé de la construction d'un mur censé les protéger du monde. L'Histoire diffère mais se répète, non sans complexité et ce roman nous fait suivre Lior Tirosh qui tente de fuir une existence qui tombe en ruines et qui circule entre les mondes. Le livre est construit en dix chapitres, dix parties comme il y a dix branches à l'arbre des séphiroth (l'arbre de vie) selon les Kabbalistes modernes et qui sont ici dix mondes aussi réels les uns que les autres.
Le roman est moins une uchronie qu'une fiction spéculative qui nous propulse dans une enquête policière, une course-poursuite entre les mondes et une tentative de faire basculer l'Histoire. L'univers est aussi familier qu'étrange, on reconnaît certaines choses mais vues à travers plusieurs perspectives ( du je au tu ou au il selon les chapitres) et le roman interroge le pouvoir de la littérature face à l'injustice de l'époque et toute la complexité du conflit israélo-palestinien.
L'écriture de Tidhar, dans le mélange des genres et une très belle écriture, est une méditation historique sur l'état d'Israël. Quand elle tourne en boucle, dans le multivers, l'Histoire n'en est pas moins tragique.
...Aucune destinée n'est manifeste.
Berlin. Lior Tirosh, écrivain de seconde zone, embarque pour la Palestina, fuyant une existence minée d'échecs.
Il espère retrouver à Ararat City la chaleur du foyer, mais rien ne se passe comme prévu : la ville est ceinturée par un mur immense, et sa nièce, Déborah, a disparu dans les camps de réfugiés africains. Traqué, soupçonné de meurtre, offert en pâture à un promoteur véreux, Lior est entraîné malgré lui dans les dédales d'une histoire qu'il contribue pourtant à écrire.
Lavie Tidhar questionne nos identités, et le prix qui leur est attaché. Aucune terre n'est promise est un roman d'une incroyable lucidité sur les enjeux d'Israël, microcosme du monde. Il n'en cède pourtant rien à la poésie, seule utopie capable encore d'incarner la paix.
Né en 1976 dans un kibboutz en Israël, élevé en Afrique puis au Laos, Lavie Tidhar est un écrivain voyageur. Les continents et les cultures sont à ses romans ce que l'Histoire est à l'identité : une façon de comprendre le monde. Récompensé par de nombreux prix et sélections internationales, l'auteur vit aujourd'hui à Londres.
