Collection(s) : Horos
Paru le 08/11/2018 | Broché 132 pages
Public motivé
préface de Egbert J. Bakker
La musique linguistique de la réminiscence
La nouvelle lecture que je propose du Ménon part d'un double constat, l'un bien connu, l'autre moins : non seulement le nom du protagoniste Mένων correspond exactement à la forme de participe présent du verbe μένειν « tenir bon, résister », mais il s'avère encore que chaque adresse que Socrate fait à Ménon génère un phénomène de « clusters » phonico-syllabiques de séquences μεν, μην, μον, μν, μαν. En étudiant la structure d'ensemble du dialogue, plusieurs fois réflexive sur elle-même, et en menant une analyse serrée des noeuds de sa mécanique dictionnelle, par-deçà le niveau logico-syntaxique de son argumentation, on parvient à montrer que ce tissage sonore s'inspirant (sans jamais la nommer ni la citer explicitement) de la diction caractéristique des élégies d'exhortation de Tyrtée, participe tout entier d'un processus de réinvention perpétuelle du dire soi-même et du dire ensemble, destiné à servir l'effort d'introspection anamnétique sans laquelle nulle connaissance n'est possible. Cela nous amène à formuler l'hypothèse d un fondement linguistique de l'anamnèse platonicienne et à considérer cette dernière comme une véritable expérience initiatique au coeur d'un langage ré-accordé à lui-même et à ses locuteurs - c'est-à-dire rendu à sa propre connaturalité (συγγενήϛ), où réside toute la puissance intercommunicationnelle et cognitive qui est la sienne et qui ne présuppose pas la contemplation des Idées.
Magali Année, Agrégée de Grammaire et Docteure en Études grecques de l'Université Paris Sorbonne Paris IV.