Action poétique, n° 182. John Cage, Lucebert, Saül Yurkievich

Fiche technique

Format : Broché
Nb de pages : 96 pages
Poids : 166 g
Dimensions : 15cm X 22cm
Date de parution :
EAN : 9782854631692

John Cage, Lucebert, Saül Yurkievich

chez Action poétique

Serie : Action poétique. Vol 182

Paru le | Broché 96 pages

Revue
12.20 Indisponible

Quatrième de couverture

La blette, la bette,

quelquefois la poirée à cardes, ou même la joutte ; plutôt la blette au sud, plutôt la bette au nord. Bietola en italien, acelga en portugais, acelga ou bledo en espagnol, avec une nuance péjorative marquée (« no me importa un bledo », dit le proverbe). Car, malgré un artifice étymologique à deux entrées possibles - du latin blitum, par le provencal bleda - ou de la deuxième lettre de l'alphabet grec, bêta, dont notre plante, à tige inclinée, calquerait l'allure, et malgré son ancienneté (la blette connaît les Perses et les Perses s'en régalent), ce légume herbacé dicotylédone, de la même famille que la betterave, est souvent rejeté, écarté des livres de cuisine et de nombreux dictionnaires bilingues. Pour sa part, l'adjectif blet, blette, évoque le blafard, le flasque, le fade, l'insignifiant (bliteus, pour le vieux Pline, souligne déjà l'insipide, le méprisable). Pourtant, non seulement la blette apprécie le binage, le sarclage, l'arrosage, non seulement elle s'accommode de tous les climats et se divise en cardes et en pétioles (les feuilles), ce qui déjà est merveilleux, mais, de plus, tout en elle se mange : le vert pour tartes, soupes et farces, les côtes pour garnitures et gratins ; de plus, elle est rafraîchissante (les siècles lui ont longtemps trouvé des vertus laxatives et anti-épileptiques), enfin, elle convient à de nombreuses préparations, notamment celles qui s'appuient sur la béchamel ; la béchamel, sauce mère - on ne saura jamais si elle fut produite vraiment dans les cuisines du marquis de Béchamel - conçue ici de façon simple, sans mirepoix ni jambon, à la ménagère : laisser fondre un oeuf de beurre, ajouter deux cuillerées de farine blanche, laisser venir quelques minutes sur le feu réduit, sans laisser roussir, mêler à ce même mélange trois quart de litre de lait entier bouillant, sel, poivre blanc, muscade, bien touiller, surveiller ; la sauce doit devenir dense.

La blonde, la verte, la frisée

La blonde à cardes blanches, la blonde à couper, la verte à cardes blanches, la verte à couper, la frisée à cardes blanches, la frisée... Les côtes, donc, excellentes au beurre, à la crème fraîche, à l'italienne (basilic), au jus, à la hollandaise, à la milanaise, au verjus, à la moëlle, à la polonaise, à la fourme de Montbrison (chez les Troisgros), avec le gigot d'agneau, ou couverte de béchamel, à la bourgeoise, ou encore délicieuses aux châtaignes, avec lardons (Savoie), ou gratinées par couches, avec béchamel, ail, lamelles de gruyère (Franche-Comté) ; délicates non gratinées, à la lyonnaise, avec estragon, vinaigre, oeufs. Les pétioles, elles, conviennent aux caillettes, à la tourte (Nice), au minestrone (Sienne). La blette peut retrouver son unité dans le gratin à couronne (cardes au centre, feuilles vertes serrées en bordure, avec un peu de crème fouettée).

Le classique : La côte de blettes au gratin.

Le vert se prépare seul, passé à l'eau salée, une dizaine de minutes sur le feu, égoutté, épongé, prêt pour un autre usage.

Donc les cardes, les côtes : laver, parer, ôter la pellicule transparente qui les enveloppe, retirer les filandres (et, pour cela, casser les côtes à la main, ne pas les couper au couteau) ; plonger les côtes vingt minutes dans un blanc pour légumes en ébullition (un court-bouillon : eau, farine, oignon piqué, jus de citron, pincée de sel, doigt de beurre) ; égoutter, ranger dans un plat de terre à gratin (un tian), masquer d'une béchamel dont la consistance est travaillée par deux ou trois jaunes d'oeufs, ajouter une frottée de noix muscade, un rien de poivre blanc, et mettre à gratiner à four moyen, sans fromage rapé - se déprendre du « rapé », indigne à quelques exceptions près, d'une cuisine de qualité. Laisser brunir.

À prendre chaud, avec un carré d'agneau, puis un chèvre récent, et un côte du Rhône rouge, équilibré, plutôt coulant.

Ce que devaient aimer à la fois l'Hannibal des Alpes et le Scipion d'Afrique, non ?