Action poétique, n° 206

Fiche technique

Format : Broché
Nb de pages : 176 pages
Poids : 286 g
Dimensions : 15cm X 22cm
Date de parution :
ISBN : 978-2-85463-209-5
EAN : 9782854632095

Action poétique, n° 206

chez Action poétique

Serie : Action poétique. Vol 206

Paru le | Broché 176 pages

Revue
13.50 Indisponible

Quatrième de couverture

Le bouillon safrané de Ravenne

Pas de recette dans L'Inferno, ni dans Le Purgatoire, pas même dans Le Paradis... On peut le dire, La Divina Commèdia n'est en rien un livre de cuisine. Ni même un livre franchement tourné vers les nourritures terrestres. La gourmandise, par contre, la sensualité des saveurs, le goût des bonnes chères et des festins à la Balthasar ou à la Lucullus, sans parler des bombances et autres goinfreries se trouvent toutes et tous du côté de l'excès, dans le grand sac sans fond de la faute, de la luxure et du péché.

Pourtant de Florence, où il est né, jusqu'à Ravenne, où il est mort, l'Alighieri a inévitablement connu quelques grands plats de cette gastronomie italienne en train de naître. Ravenne, qui fut la capitale de Théodoric et que Pépin le Bref pu conquérir, dans cette Émilie proche de l'Adriatique, aux édifices romains (l'aqueduc de Trajan !), paléochrétiens ou byzantins, avec sa superbe bibliothèque Classence, Ravenne, donc, avec le tombeau de Dante.

Et aussi, à table, tout un accompagnement de spécialités riches et relevées : les blettes frites, les lasagnes vertes (épinard, béchamel...), les tagliatelles au prosciuto, les tortellini à la mortadelle, les cardes à la parmesane, les anguilles nouées, les cuisses de poulet à la ferranese, le saucisson au jambon cru, la pintade au vin rouge, les aubergines à l'étroit (farcies et au four)..

Poissons à gogo

Ce bouillon, qui pourrait se dire une soupe, ou même une bouillabaisse, est donc un liquide dans lequel un nombre élevé de poissons divers, entiers ou découpés en épaisses tranches, ont bouilli, sans se fondre ni se défaire. On peut y trouver daurades et soles, turbot et rougets, poulpes et seiches, congres et encornés, raies et pageaux, baudroies et loubines (petits bars), merluchons et autres.. Quelques mollusques, donc, et tous les poissons de la mer, sauf les bleus, bien sûr, encore que certaines recettes ne repoussent pas les maquereaux..

La recette

D'une grande simplicité : mettre à revenir l'oignon haché, ajouter peu après la tomate pelée, épépinée, puis un verre de vinaigre allongé d'eau et l'ail. Dix minutes de cuisson vive. Persil au ciseau, puis les poissons, les plus fermes d'abord. Recouvrir le tout d'eau pour dix à quinze minutes (à contrôler, mais pas plus, surtout pas plus), d'une cuisson soutenue. Ajouter le safran préparé - mis auparavant à mariner un bon moment dans un jus de citron - peu avant de retirer la bouillon du feu. Servir très chaud, avec, éventuellement, dans l'assiette, des tranches de pains grillées (mais je ne suis pas pour, le pain absorbe une partie du bouillon et fait perdre de sa légèreté, de sa transparence, à l'ensemble).

Le safran

Une plante herbacée bulbeuse, un crocus originaire d'Asie Mineure, connue dès l'antiquité, parvenue jusqu'à nous par l'Espagne et les Arabes, et dont les stigmates, les pistilles de la fleur, fournissent une épice jaune orangée en filaments brunâtres par dessication, ou une poudre, après dessication et broyage (le safran en filaments demeure, et de loin, le plus efficace, le plus agréable et le plus goûteux).

Cultivée et appréciée en France depuis le XVIe siècle (mais aussi, et aussi depuis fort longtemps, en Italie, en Grèce, en Iran, en Amérique latine), le safran, très légèrement amer, est un des produits, un aromate, parmi les plus savoureux (et les plus chers) utilisés en gastronomie, pour l'assaisonnement et pour la présentation. Cueillies à la main, on prétend qu'il ne faut pas moins de 60 000 fleurs pour produire 500 grammes de safran. Parfum pénétrant et colorant puissant, on lui prête aussi des qualités thérapeutiques et même magiques (pointe de safran sur le front, pour éloigner le mauvais sort).

On le retrouve, obligatoirement dans la bouillabaisse, et aussi dans la paella, dans certains rizottos et caris (dans les quels il remplace avantageusement l'horrible « safran des Indes », insipide et ennuyeux), on le retrouve, parfois, dans la cuisson des moules et dans certains entremets.

Et, donc, dans ce bouillon de Ravenne.

Avec un vin blanc très sec, un Bordeaux ou un Val de Loire, ou un vin italien du Piémont, charpenté et nerveux.