Serie : Cahiers de Saint-Lambert (Les). Vol 9
Paru le 07/04/2011 | Broché 66 pages
Tout public
Lisières d'eau
J'aime ce nom que les Indiens donnent à la montagne de Lone Pine, et je le trouve pertinent pour mon sujet - Oppapago, La Pleureuse. Elle se tient solitaire à l'est des cohortes les plus majestueuses des sierras, au-dessus d'une chaîne de petites collines arrondies par l'âge, et elle présente l'aspect grave et recueilli d'une femme que vous auriez pu connaître, dont le regard contemplerait les monticules herbeux où repose sa parenté défunte. De deux lacs jumeaux à l'eau grise situés sous son front plein de noblesse cascadent sans relâche des eaux blanches. « Mahala pleure tout le temps » disait Winnenap, ses joues toutes ridées se creusant de profonds sillons.
L'origine des cours d'eau est comme celle des pleurs, claire pour l'esprit mais mystérieuse pour les sens. Ils s'y affairent sans cesse, mais on les prend rarement sur le fait. Ici, dans la vallée, l'eau ne s'arrête jamais, même à la saison où ce pingre de gel lui compte le droit d'être en mouvement. Elle met à profit l'heure du midi et tinte délicatement toute la nuit sous la glace. Si on colle l'oreille contre la neige, on saisit l'écho étouffé du perpétuel affairement des eaux quinze ou vingt pieds sous les congères soufflées dans les canyons, et, bien avant qu'un quelconque dégel de printemps soit perceptible, les pourtours affaissés des ponts de neige signalent l'emplacement où elles coulent. Celui qui la cherche découvre la source immédiate des crues de printemps - tous les flancs de montagne sillonnés par l'écume de la fonte des neiges, tous les replats graveleux pris dans le tourbillon des eaux.
Mary Austin, née en 1868 aux Etats-Unis, a écrit en 1903 un texte magnifique qui raconte des histoires simples des déserts de l'Ouest. La nature est omniprésente, comme dans l'extrait suivant.
