Paru le 17/06/2004 | Broché 147 pages
Onze variations: autant de rêveries autour du thème de l'apparent dévouement. Tentatives souvent dérisoires de se faire, sinon aimer, du moins reconnaître.
À l'abri du songe, à l'insu du rêveur, les mots parfois en cachent d'autres, dont la vérité se révèle soudain cinglante. L'esprit paraît vagabonder, se jouer du langage et de la pluralité des sens. Il se tient aux aguets, capable de tendresse, mais aussi de férocité. Il met en lumière de minuscules dévouements et d'inavouables travers. Sous le double signe de ces maîtres en rêverie que sont Rousseau et Robert Walser.
Je transmettais. Tout ou partie. Cela ne dépendait pas de ma mémoire seulement; il m'arrivait de sélectionner, oui, il m'arrivait de recomposer, j'étais bientôt passé maître dans l'art de l'arrangement. En autodidacte, j'avais appris la façon d'arrondir un angle sans altérer le sens général; je savais comment glisser sur certaines syllabes plus rapidement que sur d'autres, mais je n'ignorais pas, d'instinct autant que d'expérience, je n'ignorais pas que, même bien emballé, un explosif demeurait un explosif, et je mettais alors mon énergie, toutes mes énergies, à sauver ma peau, à ne pas prendre en pleine figure ces charges que j'avais pour mission de transporter. Je voulais bien jouer les messagers, je n'avais pas le choix, mais je n'allais pas jouer les kamikazes. Eussé-je d'ailleurs sauté avec mes explosifs, mes commanditaires auraient été les premiers punis: ils auraient perdu d'un coup, toutes phrases éparpillées, le seul pigeon voyageur dont ils disposaient encore, à toute heure du jour et de la nuit, et gratuitement.
Auteur reconnu de recueils poétiques, de récits et d'un roman, François Debluë vit sur les rives du Léman.
Illustration de la couverture: «Le transport d'un sac de blé au moulin», René d'Anjou, Le Mortifiement de vaine plaisance, France XVe siècle.
