Paru le 01/11/2003 | Broché 30 pages
Public motivé
Pierre Soulages, Jacques Le Goff | préface Xavier Kawa-Topor
«Comment une création artistique contemporaine peut-elle s'insérer dans un monument millénaire en lui étant fidèle, tout en lui apportant du nouveau ?» Telle est la question qui, le 25 septembre 1995 à Conques, a réuni le médiéviste Jacques Le Goff et le peintre Pierre Soulages à propos des vitraux que ce dernier venait de créer pour l'abbatiale Sainte-Foy.
Pierre Soulages évoque l'abbatiale comme le lieu de l'une de ses premières émotions artistiques, tout en exprimant en quoi sa démarche se fonde sur une analyse objective de l'architecture. Sa démarche à Conques interroge l'émotion pour en restituer la portée universelle. Les vitraux sont comme la démonstration ontologique du lieu dans sa fonction d'appel, et sa restauration.
C'est ce que Jacques Le Goff révèle lorsqu'il dit que l'artiste doit intervenir «dans la matière et dans la vie même du monument» pour préciser un peu plus tard combien il est essentiel que cette intervention soit consonante avec «le sens originel et historique» de ce dernier.
Au fil de cet entretien captivant entre les deux figures, la question, qui pour l'historien se place au coeur même de sa pratique de l'histoire, l'histoire dans la longue durée, devient «l'histoire est-elle porteuse d'une exigence à l'égard de l'artiste contemporain ? l'artiste contemporain est-il porteur d'une exigence à l'égard de l'histoire ?»
Né à Toulon en 1924, agrégé d'histoire, Jacques Le Goff a été directeur d'études sur l'anthropologie historique de l'Occident médiéval à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Figure clef de l'École des Annales, il a su intégrer, à l'exemple de ses modèles Fernand Braudel et Maurice Lombard, la dimension humaine à la réflexion sur l'espace et le temps. Auteur d'une oeuvre importante marquée par des ouvrages devenus des «classiques», il est considéré aujourd'hui comme l'un des plus grands spécialistes du Moyen Âge.
Pierre Soulages est né à Rodez en 1919. Peintre abstrait loin des «ismes qui morcellent le paysage français de l'après-guerre» (Bernard Ceyssson), il se voue entièrement à son art dès 1946. Dans son oeuvre peint, qui a fait l'objet de nombreuses expositions internationales et trouve sa place dans les collections permanentes d'une centaine de musées du monde, se manifestent entre autres le refus de l'art figuratif et la fidélité au noir mais un noir qui semble capter la lumière. En 1986, le ministère de la Culture lui demande de réaliser des vitraux pour l'abbatiale de Conques. Sept années de travail dont le fruit dépasse toute espérance : «Pierre Soulages invente la lumière de l'art roman.» (Xavier Kawa-Topor).
