Drifting : suites nocturnes 1983-1986

Fiche technique

Format : Broché
Nb de pages : 109 pages
Poids : 600 g
Dimensions : 25cm X 30cm
Date de parution :
ISBN : 979-10-96011-19-3
EAN : 9791096011193

Drifting

suites nocturnes 1983-1986

de

chez L'éveilleur

Paru le | Broché 109 pages

Tout public

20.00 Indisponible

texte de Michka Assayas


Quatrième de couverture

« I'm just drifting.
[...]
When I feel like this, I know the drift will take me again. »
(Permanent Vacation, film de Jim Jarmush, 1980)

C'est dans une sorte d'état de flottement (drifting) que Luc Chery a, dans la première moitié des années 1980, photographié la nuit, celle des bars, des concerts, des boîtes, une « faune des dancings » post-moderne à l'orée des années sida.

Il s'insinue au plus près des protagonistes de cette excitation nocturne, il s'immerge avidement, tel un pêcheur d'images et rapporte des trophées, ou des sortes de talismans.

Ces photographies de la série Drifting, dont le point de vue peut faire penser au travail de John Deakin, témoin privilégié de la période Soho de Francis Bacon, présentent des corps humains en mouvements ou en puissance de mouvements. Une énergie sourde s'en dégage, au point que le chatoiement présumé de la scène transcende l'apparente dualité du noir et blanc. Des visages peints, des silhouettes travesties - « en d'étranges déguisements et d'incroyables mises » (Paul Morand, Ouvert la nuit) -, des regards égarés ou parfois complices suffisent à instaurer un climat de vibrante agitation, de promiscuité chaleureuse, de sensualité à fleur de peaux. À quelques exceptions près, ces corps intenses sont lacérés, encadrés dans des environnement délabrés, dédoublés, ombrés, mis en abyme, devenant parfois reliques.

À l'insouciance, à l'immédiateté enivrante, qui sans doute frappaient et ravissaient les commentateurs privilégiés de ces années 1980 ô combien narcissiques, fait écho, pour les scrutateurs actuels, trente ans après la réalisation des images, une nostalgie amère, habillée de peine. Les promesses de l'aube conduisent au crépuscule, les reliques sont dépouilles. La maladie fait ses premières victimes à la même époque. Qui, parmi les modèles photographiés alors, aura réchappé à l'hécatombe ?

Ces photographies, rarement exposées, sont ici publiées pour la première fois.

Biographie

Luc Chery a commencé son travail photographique dans les années 1980 avec la série Drifting. Contrairement à l'instantanéité que réclame la photographie de reportage, Luc Chery ne « vole » pas un sujet au débotté, mais l'ausculte longuement, l'apprivoise et s'en infuse au terme d'une longue maturation afin d'établir un rapport de confiance, une sorte de contrat tacite avec son motif.
Il applique cette approche aussi bien aux êtres humains qu'aux « natures mortes » méticuleusement observées, recomposées, ordonnées selon un cérémonial quasi rituel, qui, après Drifting, sont devenues quelques-uns de ses sujets de prédilection.
À Taravao (Tahiti) comme sur les côtes de Gironde, Luc Chery a traité, dans les années 1990, du thème de la nature morte à partir d'espèces végétales naturalisées ou dépouilles d'oiseaux ou de poissons, soulignant le lien étroit qu'entretient la photographie avec la disparition et la mort.
À cette poésie des ruines organiques (en noir et blanc), ont succédé, dans les années 2000, des séries inspirées (en couleur désormais) de ses fréquents séjours à Jérusalem et sur la bande de Gaza.
La série Les Habitats a pour sujet les camps de réfugiés, dont l'objectif de Luc Chery ne capture que des fragments de campements, sans occupants, pénétrés de trouées lumineuses, criblés de rayons, offrant des béances porteuses d'espoir. De retour en France, il a poursuivi ce travail en recréant des maquettes, ersatz de bidonvilles offrant une transfiguration des campements précaires.
Mais, des Drifting des débuts à ses expériences actuelles, proches d'une abstraction picturale, le corps se situe au coeur de la démarche de Luc Chery : ici représenté, là dissimulé derrière des textures qui font peau, des logements délaissés qui stigmatisent l'absence, des compositions qui s'anthropomorphisent.

Michka Assayas
Journaliste et écrivain, Michka Assayas a collaboré dès le début des années 1980 à Rock et Folk où il défendit ardemment certains groupes post-punk, comme Joy Division ou New Order. Maître d'oeuvre du Dictionnaire du rock, paru en 2000 aux éditions Robert Laffont (puis réédité dans une version actualisée en 2014), il anime sur France Inter l'émission Very Good Trip.
Il est l'auteur de plusieurs romans, des Années vides, en 1990 (Gallimard), où il évoque l'adolescence de la génération post-68 à laquelle il appartient, à Un autre monde, en 2006 (Rivages) où cet enfant du rock et de la pop revient sur sa jeunesse musicale tout en se projetant, à travers sa relation à son fils, dans la génération qui suit. Il a obtenu le prix des Deux Magots pour Exhibition (2002, Gallimard) et abordé avec élégance dans le kafkaïen Faute d'identité (2011, Gallimard) le cauchemar bureaucratique auquel il fut confronté lorsque des directives gouvernementales (les circulaires dites Pasqua) l'obligèrent, parmi tant d'autres, à prouver la nationalité de ses parents, Français mais d'origines étrangères.