Paru le 02/02/2012 | Broché 301 pages
Public motivé
La question de l'étranger, de son statut, des droits à lui accorder, de la place à lui reconnaître, occupe tant nos débats publics que sa définition nous semble évidente. Est étranger celui qui vient d'un pays lointain.
C'est bien pourtant cette certitude que bouscule ici Simona Cerutti à partir d'une analyse fouillée et passionnante des archives de la ville de Turin au XVIIIè siècle. Dans cette société d'Ancien Régime, le terme « étrangers » renvoie en effet à une réalité bien plus complexe : l'habitant d'un village voisin, parfois le membre d'une même famille, peut être désigné comme étranger, et la personne originaire d'ailleurs ne pas entrer dans cette catégorie. L'étranger est moins une figure sociale qu'une condition présent à l'horizon de tout habitant de la ville. Il abandonne alors le masque de « l'Autre », ainsi que se place marginale dans le tissu social.
Et c'est ici que le travail de l'historien nourrit nos interrogations actuelles : la peur des étrangers est moins le sentiment éprouvé par celui qui se trouve assiégé par une minorité inconnue et menaçante que la crainte diffuse d'une chute sociale qui peut intervenir dans tout parcours.
Simona Cerutti est historienne, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales. Elle est l'auteur notamment de La ville et les métiers. Naissance d'un langage corporatif (Turin, 17ème-18ème siècle) et de Giustizia sommaria. Pratiche e ideali di giustizia in una società d'Ancien Régime.