Collection(s) : Par ailleurs
Paru le 08/10/2012 | Broché 157 pages
Public motivé
dessins Augustin Rebetez | postface Hippolyte-Adolphe Taine
C'est la guerre (presque)
Dans une cellule
Où croupissent des érudits enchaînés
Aussi trognes que ladres
Un fantassin du savoir scribouille au bic sur un mur
Vive deleuze !
C'est inscrit dans la cellule sombre (presque)
À peine visible
En lettres monstrueuses.
Quand les gardiens s'en rendirent compte,
Ils dépêchèrent un peintre
Qui, avec un long pinceau,
Passe les lettres menaçantes à la chaux vive.
Comme il n'avait fait que suivre le tracé des lettres,
On voyait maintenant en haut de la cellule,
Dessiné à la chaux,
Vive deleuze !
Ensuite un second peintre recouvrit au rouleau
Toute l'inscription, qui disparut quelques heures.
Mais au petit matin (presque)
Lorsque la chaux sécha, l'inscription réapparut par en-dessous
Vive deleuze !
Alors les gardiens mandèrent un maçon
Pour qu'il s'attaque à l'inscription.
Il gratta, lettre par lettre, une heure durant (presque)
Et quand il eut fini, on voyait,
Maintenant privée de couleur mais profondément
[gravée dans la pierre,
L'increvable inscription :
Vive deleuze !
Mais enlevez-moi ce mur ! beugle un gardien
(Librement adapté de Bertolt Brecht)