Collection(s) : Du monde entier
Paru le 10/04/1979 | Broché 260 pages
traduit de l'italien par Ariel Piasecki
Dans son appartement du faubourg Saint-Germain, sur la fin de sa vie, le détective d'Edgard Poc. Dupin, reçoit la visite de ce «vieil ami» qui fut l'interlocuteur attentif de ses enquêtes déductives et les rendit fameuses. Ensemble, ils découvrent dans un dossier jauni l'ébauche d'un récit oublié de Dupin sur Judas. «L'affaire Judas», énigme à ses yeux, est en effet la seule qu'il n'ait pas encore résolue. Assis dans son fauteuil, il va se lancer pour son ami dans la plus fougueuse et la plus rigoureuse élucidation du mystère qu'est resté le «crime des crimes».
Première constatation : sur le pourquoi et le comment de la trahison, les Evangiles sont muets. Les ennemis de Jésus n'avaient nul besoin de Judas ni de son baiser pour se saisir de lui. Il était à leur merci. Quant aux mobiles, seul des évangélistes, Jean, qui prétend avoir tout su à l'avance, s'avise de présenter Judas comme un voleur professionnel. Mais trente deniers sont une somme ridicule (et Judas était le trésorier de la troupe).
Si Judas n'a pas de mobiles, Jésus, lui, en a à profusion. Tel est l'argument fondamental avancé par Dupin-Brelich. Jésus, qui doit se prouver à lui-même sa nature divine, veut sa propre mort. Mais il doit éviter à tout prix la mort banale des prophètes. Il ne peut se contenter d'être la victime des grands-prêtres et des Romains. Il lui faut être la victime des forces du Mal. «L'un de vous est Satan», dit-il. Désigné en quelque sorte par Jésus comme son complice dans l'œuvre de la rédemption, Judas incarnera ce Mal dont l'intervention est nécessaire à l'accomplissement des desseins de son maître. Mais, soutient Dupin, cela revient à dire que lui seul parmi les disciples (lesquels ne cessent de douter, de s'étonner, de renier, de fuir) «sait» que Jésus est fils de Dieu.
La divine comédie se serait ainsi jouée pour ainsi dire «dans les coulisses». La partie la plus brillante de la démonstration de Dupin est peut-être celle qui lui permet de conclure que la Mission de Jésus était en fait une révolte contre le Père.
Enquête «théologique» et véritable roman policier, passionnant de bout en bout, L'œuvre de trahison constitue sans doute une haute gageure littéraire, dont la profondeur de pensée n'est pas sans rappeler, dans le registre éblouissant de verve qui est le sien, les recherches d'un Thomas Mann ou les méditations d'un Kafka.
Mario Brelich est né à Budapest en 1910, de père italien et de mère hongroise. Il traduit en hongrois une trentaine d'œuvres italiennes. Il quitte son pays après la guerre et s'installe définitivement à Romie en 1946, se consacrant à la sculpture et à la céramique. Il écrit depuis longtemps en langue italienne, mais n'avait publié avant L'étreinte sacrée, «exégèse romanesque» sur Abraham et Sarah et la naissance miraculeuse d'Isaac, qu'un écrit sur Noé, en 1954.