Paru le 20/05/2021 | Broché 88 pages
Artisan de la plume et du verbe, Albert Bensoussan s'est le plus souvent attaché, en maints récits, à faire revivre l'Algérie de son enfance, mais il s'est aussi appliqué à recréer de grandes figures aussi contrastées que Garcia Lorca et Giuseppe Verdi, Unamuno et Edith Piaf. Il a aussi donné de la voix à quantité d'écrivains d'Espagne et d'Amérique.
« La tendre indifférence du monde » s'est abattue sur « L'étranger » d'Albert Camus qui apparaît ici comme témoin ou puissance tutélaire. S'il est vrai que sur ce rivage où les dieux parlent dans le soleil, le cri de ralliement des jeunes pousses étaient « Tant pis si j'en crève ! », il n'en reste pas moins que tous avaient un amour immodéré de la vie des sens et de la jouissance des heures claires. Sous divers masques et sur quelques portraits en pied, le narrateur fait tourner, au cadran de l'Algérie d'avant, l'ardente aiguille qui marque tous les temps de bonheur qui jalonnèrent sa vie.
« Immensité de morts, cité cyclo-péenne, océan tumulaire de cent soixante-dix-sept mille sépultures. La nécropole Saint-Pierre est une mégalopole du dernier repos. Sitôt franchie la croix qui surmonte le portail, l'ivresse me saisit, comme toujours quand je me transplante, vertige de l'ailleurs. Retrouverai-je, étrange, confus, aliéné, comme l'hôte du Malentendu, les miens qui n'auront de cesse que de me transpercer ? Mon souffle est court, mon corps grillagé, pourrai-je encore courir à l'onde et ressortir vivant ? ...
À mon retour, lavé mon coeur, taris mes yeux, je retrouve les bras de ma femme. Alors Marseille, quoi ? me lance- t-elle, elliptique. Ma seule réponse, définitive comme le trait final sous la colonne de chiffres d'un bilan comptable :
- Mes morts sont en bonne santé. »
