Le coeur pincé

En août 1994, le père de Benoît Damon et d'Yves Laplace est touché par une encéphalite, qui vient « pincer » les coeurs alentour et « réfuter » sa vie. Dans les jours, les semaines, les mois qui suivent, au fil de l'hospitalisation et du rétablissement aléatoire, les deux fils écrivent « sur » leur père (et sur leurs enfances) Le Coeur pincé et La Réfutation. Ces deux récits allaient connaître un certain retentissement. Seize ans plus tard, Benoît Damon et Yves Laplace ont revu leurs livres. Augmentés de photographies, de post-scriptum inédits et de préfaces croisées, ils prennent ainsi - avec leur publication simultanée à l'Aire bleue - un visage et un sens nouveaux.

Etrange paradoxe : chez mon frère, les formules lapidaires alternent avec des périodes mélancoliques, des évocations déchirantes, des tourments d'enfance. Nos deuils sont là. Mais les deuils, aussi vifs soient-ils, sont transmués en éclats de rire après que la révolte, c'est-à-dire l'écriture, est passée. Le temps du Coeur pincé est précisément celui d'un deuil par anticipation, d'un deuil doublement impossible, faute de corps... Depuis longtemps, il est des poètes pour faire le contraire de ce qu'« on » leur demande de dire. Il y aurait presque, sous la plume de mon frère, lieu à mourir de rire.
(Extrait de la préface d'Yves Laplace.)