Paru le 22/03/1979 | Broché 125 pages
Le lais de la traverse
« Je ne me souviens pas que Marie ait eu un corps aux formes vivantes, particulières. Ni grosse, ni maigre, elle est plutôt comme flottante, nouée et courbée. Je n'ai jamais rien vu d'autre du corps de Marie que le vaste sarrau noir, et les gilets et les bas de laine, tous noirs, qui dissimulent, anéantissent le corps vivant de Marie. Le visage est presque aussi flou. Le seul élément certain : les cheveux, comme ceux des femmes folles aux cheveux hagards, dispersés ; mais ceux de Marie me semblent avoir toujours été grisâtres et pleins de douleurs. Son visage fait penser, je crois, à celui d'un homme, traits butés. Impossible de décrire ses yeux. Marie n'a plus de regard. Elle est juste là, même dans ses colères auxquelles on m'a appris à ne pas prêter attention.
C'est de voir J. pleurer un jour en servant le repas familial que je saurai que Marie devait avoir eu un corps vivant ».
C.V.
