Paru le 15/03/2008 | Broché 146 pages
trad. du hongrois André Vig
Le Roi des Fous
Trente ans après 1a mort de mon père, une messe anniversaire fut célébrée à Budapest, en ma présence. À 1a fin de l'office, lorsqu'il en vînt à 1a lecture des communiqués, 1e prêtre énuméra toute une liste de noms. La mention de « notre frère György » était noyée dans 1e flux des citations. Moi-même je faillis ne pas l'entendre. Heureusement, je tendais l'oreille...
Quelques jours plus tard, un musée m'appela au téléphone. I1s s'intéressaient à lui : est-ce que j'accepterais de me rendre à Buda pour en discuter avec eux ? me demanda une sympathique voix féminine.
Une histoire courait dans 1a famille : notre père aurait sauvé des gens pendant 1a guerre. Le fait qu'un médecin sauve des vies ne présente aucune originalité, naturellement ; mais lui les sauvait en risquant 1a sienne.
La Maison de 1a Terreur est un grand immeuble austère. C'est là que jadis on battait, on torturait les persécutés. Racontez-nous tout, m'encouragèrent-ils ; tout ce qui vous vient à l'esprit. Je leur donnai mon accord, et signai ma déclaration. I1s me promirent de planter un arbre en mémoire de mon père, mais après enquête préalable, quand ils auraient retrouvé des témoins vivants.
Très longtemps, je restai 1à, prostré sur un confortable siège, dans cet immeuble où mon père avait été réduit à l'état d'infirme. Je ressentais une honte terrible.
Georges Ferdinandy, né à Budapest en 1935, se réfugie en France en 1956. Après des études à Strasbourg et à Dijon, il obtient un doctorat d'université, puis il enseigne à l'Université de Porto-Rico. I1 publie d'abord chez des éditeurs de l'émigration hongroise, puis des éditeurs francophones. À partir de 1988, il publie enfin dans son pays d'origine, où il s'impose comme l'un des meilleurs prosateurs de sa génération. Depuis 2000, il partage son temps entre les États-Unis et la Hongrie.