Collection(s) : Pour une histoire du travail
Paru le 14/11/2014 | Broché IX-294 pages
Public motivé
préface d'André Grelon
La crise actuelle des «cadres seniors» n'est pas seulement le résultat d'un dysfonctionnement économique du marché du travail ou d'un processus excluant les cadres dès l'âge de 45 ans. Cette réalité est aussi l'oeuvre d'un jeu concerté d'acteurs individuels et collectifs dont la visée, plus globale, a été (et est encore) de construire une défense corporative au même titre que les autres groupes professionnels. En effet, cette formule langagière, qui semble «naturellement» renvoyer à un âge biologique, est en fait le fruit d'une longue construction sociale. Elle a été employée en filigrane depuis l'entre-deux-guerres pour soutenir la catégorie socioprofessionnelle des cadres lors de campagnes syndicales où l'avancement en âge a servi de levier de propagande pour attirer l'attention du gouvernement et des pouvoirs publics qui ignoraient jusqu'alors l'existence de ce tiers parti. Et aujourd'hui, au terme de plusieurs cycles sémantiques («camarades âgés», «ingénieurs âgés», «cadres âgés»), cette rhétorique professionnelle est devenue une arme de défense catégorielle parmi les plus puissantes.
Nathalie Hugot-Piron est sociologue, docteure à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), chercheure associée au Centre Maurice Halbwachs et consultante à l'Association pour l'emploi des cadres (APEC). Ses travaux ont pour but une meilleure connaissance du mouvement social des cadres en France par le biais d'une approche socio-historique.