Nous pensions avoir tout vu ou tout entendu sur la destruction du quartier des Halles du centre de Paris et ce par quoi il a été "remplacé". Et pourtant, lorsque l'on voit avec stupéfaction que la rénovation de ce petit bout de territoire parisien, a réussi, en 40 ans, et cela frise l'exploit, à produire non pas une, mais deux catastrophes urbaines et architecturales, on peut aisément imaginer qu'il y aurait encore des choses à dire. L'adage populaire pourrait résumer ainsi la situation : "franchement, faut le faire !". Cependant, regretter le passé vous met très rapidement dans la position du nostalgique où tout était mieux avant... C'est possible. Et puis, j'ai ouvert le livre de Jean Zetlaoui et je fus, quasi immédiatement, aspiré par ses photos. Tout d'abord, pardonnez cette facilité de libraire, mais ce livre, son meilleur argument de vente, c'est de le feuilleter, et comme nombre de lecteur.e.s, j'en suis sur, vous serez happé.e.s par cette "recension" faite entre 1970 et 1971, rajoutant une couche (une de plus) sur la sidération d'avoir détruit un patrimoine si exceptionnel. Mais surtout, et c'est réellement la force du livre, c'est le regard d'une finesse et d'une acuité remarquable de notre auteur, qui rend compte, avec précision et émotion, toute l'urbanité qui composait ce quartier, tant dans son passé que lors de cette "transition urbaine" pleine de richesse. Si vous ajoutez la retranscription du projet de fin d'étude de Jean Zetlaoui, le tout contextualisé avec brio et pédagogie (comme souvent d'ailleurs) par une préface de Françoise Fromonot, vous avez tout simplement un grand livre. Pour conclure laissons la parole à notre architecte-photographe :
"L'installation d'une future population dans ces quartiers aménagés selon des schémas très différents de ceux qui existaient auparavant pourrait avoir des résultats contraires à l'harmonie d'une véritable urbanisation. Tout dépendra des possibilités qu'on donnera aux nouveaux grands axes pour améliorer la circulation automobile et aux nouveaux cheminements piétonniers indispensables à la perception physique de la ville. Il serait aussi utile de tenir compte dans tout nouveau programme de la proximité immédiate du Quartier latin, important centre d'activités universitaires. Une solution de rénovation urbaine trop hâtive risquerait d'amener ces quartiers à une situation qui supprimerait un certain mode de vie tout en installant un déséquilibre dans les relations avec les espaces environnants. La transformation du site, si elle était accentuée par l'implantation d'importants volumes, pourrait faire éclater l'échelle actuelle. Elle pourrait aussi ne pas répondre aux aspirations de la population, qui aurait plutôt tendance à souhaiter des solutions moins spectaculaires d’un point de vue architectural, et allant dans le sens d'activités telles qu'elles se présentent actuellement, culturelles, artistiques ou, dans le cadre du programme déjà prévu, aménagement d'espaces verts en remplacement des pavillons de Baltard."
Malheureusement, je crains que ce soit toujours d'actualité...
Xavier Capodano
(Le Genre urbain)
