Fiche technique
Poids : 400 g
ISBN : 978-2-904538-10-0
EAN : 9782904538100
Quatrième de couverture
En face de quelques-unes des belles et fortes séries de photographies de Mario Giacomelli (comme Paesaggi-Paysages ; Vita d'ospizia - Vie à l'hospice ; Scanno ; Lourdes ; Puglia-les-Pouilles ; Pretini - Jeunes Prêtres ; la Buona terra - Bonne terre) le « regardeur » peut se sentir enclin à admirer une facture classique dans laquelle même l'intervention ultérieure de l'artiste, ne pourrait rien changer au modèle qu'il a créé. En d'autres termes, l'oeuvre de Giacomelli pourrait être perçue comme hors du temps. Mais si atteindre la distanciation des contingences matérielles, fixait d'un côté la dimension exemplaire de l'oeuvre, elle contraindrait par ailleurs l'auteur à se répéter, en le reléguant au mieux à l'intérieur d'une circularité sans histoire.
Le rapport entre la représentation photographique et les formes du temps est peu exploré. Reste le fait, que les images photographiques, par elles-mêmes, matériellement sont intemporelles. C'est le « regardeur » qui les situe dans un temps. Mais le photographe ? Son oeuvre photographique ne produit fondamentalement que des images intemporelles. D'autant plus, s'il ne travaille pas dans la perspective du photo-reportage et ne peut donc revendiquer, même de manière hypothétique, l'exploitation de ses images dans le cadre d'une chronique. En fait, qu'est-ce qu'une chronique ? sinon la représentation d'événements selon une suite chronologique donc temporelle !
Si dans ses photographies Giacomelli ne fait pas de chronique, il restitue cependant les formes du temps. Comment ? en n'oubliant jamais celui qui regarde ses photographies, en évoquant pour lui par exemple les changements et la diversité des formes de la terre cultivée, les conditions de l'enfance et de la vieillesse, la saison des inquiétudes de l'amour, la douleur et la grâce refusée. Si bien que dans ses photographies, si le temps n'est pas celui de la chronique, il est cependant un temps, même s'il dure longtemps.
A l'origine, la logique qui meut Giacomelli est celle du vivant, de la forme, trouvée par hasard, mais aussitôt reconnue, d'un noir et blanc déchirant qui refuse toute virtuosité. Le noir et blanc scandaleux, tellement semblable pour la perception à une blessure ouverte exsangue, s'il est pris en compte dans des séries qui ont rendu Giacomelli célèbre : les Paysages, Jeunes Prêtres, Scanno, n'arrête pas sa recherche à la fois existentielle et expressive. Il découvre ainsi la lumière impitoyable du flash qui révèle la « Vie à l'hospice ». Pour ne pas se répéter, pour éprouver à travers la photographie des émotions nouvelles, il réalise la série de Lourdes et celle des Pouilles. Et derrière ces photographies est toujours présent le temps de la vie et de la mort, évoqué pour lui-même et pour qui regarde ses photographies.
Sollicité par un ami, il s'est mesuré, lui photographe avec la poésie, celle de Giacomo Leopardi, Edgar Lee Masters, Eugenio Montale. Mais ces premières rencontres avec la poésie se sont révélées trop pleines de monde : les poètes, les personnages des poèmes, lui Giacomelli, l'ami, la télévision pour laquelle il a réalisé ces images. Plus de dix ans après, une nouvelle rencontre avec la poésie, celle d'un jeune poète Franco Permunian, qui demande à Giacomelli de lire ses vers et de les interprêter photographiquement. Giacomelli généreusement ne refuse pas le rendez-vous et dans l'interprétation de ces textes lyriques retrouve plus évidente que par le passé la forme du temps de l'écriture.
L'innocent photographe d'hier ne peut plus échapper à l'antique culture de la narration.
Comment raconter avec les photographies ? Comment donner un temps dans une photographie comme le font l'écrivain et le poète qui inscrivent leurs textes dans un temps précis ? Ici les photographies ne peuvent plus se limiter à l'évocation du temps comme référence représentée : en plus de la menace de mort, il y a d'autres combinaisons des possibles lesquelles dans ce cas sont le résultat des modalités de la représentation photographique. C'est ainsi peut-être qu'il faut regarder les plus récentes photographies de Giacomelli.
Le rapport entre l'être humain et la terre, de l'être humain avec l'être humain, et de la même manière le souvenir de l'enfance, la passion, la douleur, l'amour, la pitié ne pourraient exister sans le mystère du temps. Pour l'homme du XXe siècle le temps réserve des mystères épistémologiques différents de ceux du mythique « chronos » ou du sentiment d'une durée qui s'écoule entre l'excitation et sa satisfaction.