Collection(s) : Modern French identities
Paru le 16/08/2013 | Broché 363 pages
Public motivé
Toujours en cheminement («comme frères mineurs vont leur chemin faisant») vers un insaisissable point, «éternel tiers» ou «ici-loin», Beckett ne cesse de nous prévenir, comme Pascal en son temps, de deux erreurs fatales : «1° prendre tout littéralement. 2° prendre tout spirituellement». En acceptant l'inconnaissable, l'écrivain a su convertir l'esprit trivial irlandais - cette lande ironique, quoique parfois mystique - en chair spirituelle, en langue (a-)visuelle. Le travail beckettien - pas seulement textuel, lorsqu'il est théâtral, radiophonique, télévisuel... - oeuvre à la «transsubstantiation» de la matière en lumière, relie le concret à l'abstrait, bien que la lumière puisse encore être de l'ordre du phénomène, en tant que vestige d'un big-bang esthétique inédit. Pour Beckett, face à la mise en doute de «l'être-là» comme de «l'au-delà», l'auteur a préféré employer la notion d'«autre-là». Car «il n'y a rien ailleurs», tout est dans «l'autre-là» d'un passage luminescent, d'une trace, d'un mirage, ou d'une réelle lucidité. La solution paradoxale d'un réalisme mystique, d'une spiritualité sans dieu, sans religion, sans évidences, ouvre au «dépaysement», à la glissade - ou à l'élan - «vers l'inconnu en soi», ce «hors-sujet» indiscernable, encore une fois cet «autre-là», à la fourche des voies.
Agrégé de lettres modernes, qualifié par le Conseil National des Universités en 9ème section (langue et littérature françaises), Arnaud Beaujeu est associé au Centre Transdisciplinaire d'Epistémologie de la Littérature de l'Université de Nice Sophia-Antipolis. Il a publié plusieurs articles sur le théâtre de Beckett.