Paru le 26/05/1997 | Broché 307 pages
Public motivé
La sensation en quête de parole est une interrogation sur la poétique de Nathalie Sarraute à travers le prisme de la sensation. L'influence de cette notion s'étend, en effet, à son style, sa thématique et sa narration.
La sensation présente un défi pour la parole en ce qu'elle reste aux portes du formulable. Cette difficulté entraîne Nathalie Sarraute à explorer tout un univers de l'indicible et de l'indétermination sémantique.
Désignant ainsi la langue dans sa négativité, Nathalie Sarraute renforce parallèlement les propriétés matérielles du langage à travers les problématiques de l'oralité, de la visibilité et de la corporéité. Elle rend ainsi compte du jeu d'influences réciproques que sensation et langage exercent l'un sur l'autre.
Cette interaction du corps et du langage conduit à l'invention d'un statut fictionnel de la sensation qui se traduit par le bouleversement des règles de la fiction romanesque : dissolution du personnage, dérèglement du code narratif, par le biais d'une poétisation de l'écriture, et création d'un statut actanciel de l'objet d'art, comme mise en abyme de l'écriture et de la sensation.
En définitive, l'œuvre de Nathalie Sarraute, qui place tout énoncé sous le signe de la suspicion sémantique, libère de la nécessité de connaître, de savoir, au profit d'une transformation de la lecture en une expérience sensitive : «Le langage n'est essentiel, nous dit-elle, que s'il exprime une sensation».
Rachel Boué, Docteur es lettres, enseignante dans le secondaire et chargée de cours à l'université de Paris VII - Denis Diderot, a collaboré aux revues Littérature et Poétique.