Collection(s) : Folio
Paru le 13/05/2015 | Broché 201 pages
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jamila Ouahmane Chauvin
Marson se leva et s’éloigna pour aller pisser dans le courant de pluie froide qui dévalait la montagne. Un humble besoin naturel qu’il avait satisfait toute sa vie : et pourtant, à cet instant, il se sentait exilé en ce monde, venu du fond des cieux, tel un extraterrestre.
Hiver 1943, Mont Cassin, Italie. Les américains fraichement débarqués dans la péninsule affrontent, perclus de froid, une armée allemande qui tout en se repliant en bon ordre, leur cause des pertes substantielles. C’est dans ce contexte anxiogène que Richard Bausch envoie une poignée de très jeunes recrues en reconnaissance dans la montagne.
Dès les premières pentes, le danger souffle son haleine glacée sur leurs nuques hérissées de duvet : une escarmouche, la mort rémanente, et l’ascension toujours plus pénible en compagnie d’un vieux guide italien tout en ambigüité. Dès lors, le plus petit craquement neigeux, l’ombre la plus fugace viennent aggraver une peur croissante, sans issue, dans cette immensité oppressante, jusqu’au dénouement qui laisse le lecteur désemparé mais admiratif.
Avec ces matériaux qu’on pourrait croire usés jusqu’à la corde, Richard Bausch réussit un court mais très incisif roman de guerre aux forts accents métaphysiques. On pense, surtout lorsque c’est bon à ce point, à La ligne rouge , l’inoubliable film de Terence Malik, ou encore au Sergent dans la neige de Mario Rigoni Stern, grand classique de la littérature italienne.
Pendant la coupe d’heures de lecture haletante que réserve ce roman, on se prend à entendre résonner en nous les derniers mots prononcer par son père au caporal Marson avant son départ pour le front européen : " fais ton devoir ". Ultime supplique toute de virilité maladroite où Richard Bausch parvient à nous faire ressentir l’indicible cruauté de la guerre.
Dans l'Italie glaciale de 1943, alors que les troupes allemandes battent en retraite, une patrouille américaine est envoyée en reconnaissance dans la montagne. Pendant deux jours et deux nuits, ces hommes vont endurer le froid, la fatigue et surtout la peur : peur de se perdre dans ce labyrinthe boisé, d'être trahis par leur guide, surpris par les tireurs embusqués. Et puis ils sont hantés : par la nostalgie d'un temps de paix de plus en plus irréel, et par la culpabilité face au crime de guerre qu'a commis leur sergent, alors que leur parvient la rumeur des massacres. Peuvent-ils conserver leur dignité ? Peuvent-ils même espérer survivre ?
Moraliste et humaniste, Bausch nous parle, avec Paix, de la guerre. De toutes les guerres. Et si ce cauchemar hivernal est ancré dans un contexte historique précis, sa puissance et son intensité lui donnent une portée universelle.
