Collection(s) : Le vent se lève
Paru le 20/04/2022 | Broché 283 pages
Public motivé
préfacé par Antoine Compagnon | traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Côme de la Bouillerie
Proust in love
Il ressort clairement des mémoires de celles et ceux qui connurent Proust, de ses lettres, de plusieurs témoignages et de certaines scènes de ses romans que le côté vicieux de la sexualité intriguait l'écrivain. L'amour - jaloux, obsessionnel, sadique - constitue un thème sacrilège qui parcourt toute la Recherche, en contrepoint direct du thème transcendant et sacré de l'art, lequel finit par l'emporter triomphalement au terme de la quête du Narrateur. Chemin faisant, Proust aura dépeint et analysé avec une finesse exceptionnelle les manifestations de cet amour dans les couples hétérosexuels que forment Swann et Odette, Saint-Loup et l'actrice Rachel, le Narrateur avec Gilberte puis Albertine ; dans les couples homosexuels de Mlle Vinteuil et de Charlus ; ou dans le cas des amants bisexuels que sont Saint-Loup et Charlie Morel.
En retraçant les aventures et les mésaventures amoureuses du vrai Marcel depuis le lycée Condorcet jusqu'aux banquettes du Ritz, le grand spécialiste de Proust aux États-Unis montre comment ces expériences sont devenues des thèmes majeurs de ses romans. Nous voyons Proust dans ses premières amours désastreuses, en pleine rafle de bordel ; dans un duel avec le journaliste Jean Lorrain qui avait fait allusion à son homosexualité dans la presse ; nous suivons ses flirts avec des femmes de haut rang et ses aventures avec de jeunes hommes de la classe des domestiques, dilapidant pour eux sa fortune. Un certain Proust s'y dessine, angoissé par des passions contradictoires, des perversions cachées derrière un style de vie socialement acceptable, rongé par des amours jalouses et inaccessibles.
William Carter démêle ainsi les intrications de la vie érotique et sentimentale de l'écrivain dans l'élaboration littéraire de son oeuvre et signe une espiègle, érudite et attachante genèse amoureuse de la Recherche, ponctuée des réflexions intelligentes et bien souvent désabusées de Proust sur l'amour. À travers cette épopée mémorable qu'est la Recherche, peuplée de personnages vivants précisément parce qu'ils sont animés par la passion, Proust ne prend-il pas plaisir à illustrer aussi à quel point l'amour nous rend toutes et tous ridicules ?