Serie : Slovo. Vol 24-25
Paru le 11/06/2002 | Broché 418 pages
Professionnels
François Cornillot
«Les rivières sont des chemins qui marchent et qui portent où l'on veut aller». Cette pensée de Pascal semble particulièrement bien exprimer ce qui fait le fond du paysage mental des Slaves orientaux, car tout se passe comme si leur vie, leur cœur et leur mémoire étaient quadrillés par un mystérieux réseau de rivières et de chemins.
Peut-être est-ce là, somme toute, un phénomène assez naturel chez des peuples ancestralement accoutumés à arpente l'immensité des espaces, à fouler un territoire où les signes de la présence humaine se trouvent rapidement dilués, absorbés, abolis : supplantés par ces repères métaphoriques, ces bornes symboliques de l'existence, du temps et de l'éternité que sont la route et le cours d'eau ?
Depuis toujours, le motif du chemin, plus souvent frappé au coin du fatalisme et de la nostalgie qu'à celui de l'espoir et de la joie de vivre, serpente, inlassable, à travers la poésie et les chants populaires des Slaves de l'Est.
Mais cela est plus vrai encore pour la rivière, sans cesse évoquée, chantée, priée, célébrée chez eux du Moyen Age à nos jours ; et l'on aurait vraiment tort de tenir pour de simples ficelles rhétoriques des figures aussi récurrentes et fondamentales que, par exemple, cette «adresse au fleuve» qui traverse leur imaginaire depuis la fameuse invocation au Dniepr prononcée par Iaroslavna dans le Slovo d'Igor jusqu'à celle de Stenka Razine à la Volga dans le plus célèbre hymne populaire consacré à ce héros légendaire...