Collection(s) : VuesDensemble
Paru le 07/04/2023 | Broché 142 pages
Public motivé
Xavier Capodano
(Le Genre urbain)
Voici un livre que l'on peut considérer comme un acte civique. Nul besoin d'être un grand observateur pour voir que la numérisation de l'économie nous a fait entrer dans une "nouvelle ère". Mais savons-nous vraiment comment tout cela s'organise ? les besoins indispensables en énergie pour que tout cela fonctionne ? l'espace nécessaire pour stocker toutes ces données ? la puissance de ces acteurs économiques sur nos sociétés et par conséquence sur nos vies ? Les réponses que Cécile Diguet et Fanny Lopez apportent, avec grande pédagogie et moult exemples à l'appui, donnent véritablement le tournis. Pour illustrer ce modeste propos, tentons un simple petit exercice mental consistant à revenir quinze ans en arrière où l'on nous aurait dit qu'une entreprise des nouvelles technologies capterait plus de 80% de l'électricité d'une commune jusqu'à acheter la centrale du territoire et devenir l'unique fournisseur pour les gens, que cette même entreprise occuperait des milliers d'hectares de terre agricole pour devenir l'unique aménageur du lieu, que cette même entreprise pour les besoins de ses clients utiliserait l'équivalent de la production de deux centrales nucléaires, que cette même entreprise imposerait des codes architecturaux satisfaisant ses besoins sans ce préoccuper du tissu urbain et périurbain existant, que cette même entreprise deviendrait un acteur incontournable des cœurs métropolitains obligeant l'acteur public à satisfaire ses volontés quand elle le désire. Arrêtons-nous là pour le moment. Nous aurions répondu, fantasmes, délires et autres théories du complot. C'est pourtant cette réalité et plus encore que nos deux brillantes universitaires mettent sous nos yeux sans oublier, et c'est toute la qualité de ce livre et malgré le déséquilibre dans le rapport de force, que des alternatives existent et se sont déjà mises en place. Une lecture indispensable pour un livre que tout le monde peut lire et qui sera (pour ma part il est déjà) une référence.
Sous le feu numérique. Spatialités et énergies des data centers
Portées par la numérisation de l'économie, par l'explosion des échanges de données, du Cloud et des objets connectés, les infrastructures numériques sont en passe de devenir l'un des plus importants postes de consommation électrique du XXIe siècle. Les data centers se multiplient en conséquence, et se déclinent en une diversité formelle surprenante : des « boîtes » anonymes standardisées, des architectures manifestes dans des campus high-tech, des bâtiments transformés tels d'anciens bureaux ou centraux téléphoniques. Visibles ou discrets, parfois même cachés dans des souterrains ou des bunkers pour échapper à la menace climatique ou terroriste, les centres de données sont omniprésents, que ce soit dans les centres-villes, dans les zones périphériques ou dans les régions rurales, reculées et désertiques. Qu'ils saturent les réseaux électriques, qu'ils soient intégrés dans des cercles d'échanges de chaleur ou d'électricité de périmètres variables - îlot, quartier, ville, territoire -, ils redéfinissent à chaque fois le projet énergétique des espaces dans lesquels ils s'implantent.
À partir d'enquêtes de terrain menées à Amsterdam, Dublin, New York, Paris, Portland, Stockholm, ainsi que dans les territoires de la Silicon Valley, de l'Oregon ou du nord de la Suède, Sous le feu numérique analyse les stratégies de planification spatiales et énergétiques des data centers et appelle à questionner urgemment les limites de leur croissance incontrôlée.
Fanny Lopez est historienne de l'architecture et des techniques, maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches à l'ENSA Paris-Est et codirectrice du LIAT à l'ENSA Paris-Malaquais. Ses activités de recherche et d'enseignement portent sur l'impact spatial, territorial et environnemental des infrastructures énergétiques et numériques. Parmi ses ouvrages : Le rêve d'une déconnexion. De la maison autonome à la cité auto-énergétique (La Villette, 2014, traduit chez Manchester University Press, 2021) ; L'ordre électrique. Infrastructures énergétiques et territoires (MētisPresses, 2019 - prix de l'AARHSE) ; À bout de flux (Divergences, septembre 2022).
Cécile Diguet est urbaniste, formée à Sciences-Po Paris et à Londres, à la Bartlett School of Architecture. Son parcours chemine entre fabrique opérationnelle de la ville et études préalables pour nourrir et accompagner les politiques urbaines en France et dans le monde. Depuis 2017, elle explore notamment l'inscription spatiale des infrastructures numériques. Elle est actuellement directrice du département Urbanisme, Aménagement et Territoires de l'Institut Paris Région.
