Triste tigre

Violée dans l’enfance par son beau-père sept années durant, Neige Sinno a porté plainte ; le violeur a avoué, a été condamné, a refait sa vie après la prison. Aux représentations qui entourent le sujet du viol et de l’inceste, aux logiques absurdes dans lesquelles le bourreau enserre sa victime, l’autrice oppose le récit sans fard de ce qu’elle a vécu, et surtout une pensée opiniâtre qui en analyse toutes les implications. Il y des passages qui hantent à la lecture, que l’on adhère ou pas à son regard, lorsqu’elle traite des questions du mal et de la monstruosité, lorsqu’elle se définit elle-même, dans le rapport à soi et aux autres, à partir de cette expérience terriblement constitutive du viol ; il y a des passages qui tranchent, d’une acuité remarquable, lorsque Neige Sinno sape la valorisation de la résilience notamment ; il y a enfin des passages qui bouleversent, lorsqu’elle donne à voir la trajectoire tremblée des survivants parmi lesquels elle se compte, invisibles fantômes solitaires et tutélaires. Un récit saisissant de tenue et d’intelligence, aux profondes résonances.

A chaque nouveau livre abordant l'inceste, nous ressortons toujours un peu plus sidéré. D'autant plus lorsque, comme celui de Neige Sinno, il allie à la puissance du témoignage, l'intelligence et la finesse de l'analyse.

C'est à n'en pas douter l'un des évènements de cette rentrée littéraire. Un livre qui va compter !

Entre témoignage et réflexion autour de l'inceste, ce texte nous saisit par la sincérité et la justesse de ses mots qui tentent de comprendre le moment où tout bascule pour la victime comme pour le bourreau, l'absence de sens face à l'expérience de l'horreur, l'échec de la littérature pour tenter d'expliquer l'indicible et celui de la justice pour tenter de réparer les torts... Une lecture qui bouscule, qui cogne parfois, mais tellement essentielle.

Difficile de poser des mots sur ceux de Neige Sinno, tant ceux-ci sont justes et saisissants. Sinon dire qu'elle signe là un texte qui marque les esprits, un livre important.

Attention première claque de la rentrée.

Pour être honnête, j'y allais à reculons en me disant que c'était un énième livre sur l'inceste mais non.
Oui, on parle d'inceste et tout tourne autour de ça, mais le but n'est pas de raconter - car pourquoi - mais d'essayer de comprendre, d'expliquer et pour ça on se met aussi du côté du bourreau, on interroge d'autres textes littéraires, tel Lolita, Virginia Woolf, William Blake... Et on se rend compte que c'est impossible.
Un texte confession glaçant sans pathos, qui fascine par sa sincérité.

« Il disait qu’il m’aimait. Il disait que c’est pour pouvoir exprimer cet amour qu’il me faisait ce qu’il me faisait, il disait que son souhait le plus cher était que je l’aime en retour. Il disait que s’il avait commencé à s’approcher de moi de cette manière, à me toucher, me caresser c’est parce qu’il avait besoin d’un contact plus étroit avec moi, parce que je refusais de me montrer douce, parce que je ne lui disais pas que je l’aimais. Ensuite, il me punissait de mon indifférence à son égard par des actes sexuels