Serie : Oeuvre poétique. Vol 2
Collection(s) : Bibliothèque chinoise
Paru le 16/01/2018 | Broché XLIX-1020 pages
textes traduits, présentés et commentés par Nicolas Chapuis
En Chine, de tous les poètes classiques, Du Fu (...) (712-770) se distingue comme le plus grand, le « saint de la poésie » (shisheng (...)) selon l'expression consacrée, celui qui, seul, est parvenu à être à la fois un poète épique, lyrique et engagé. Treize siècles ont passé depuis la naissance de Du Fu : sa voix demeure aujourd'hui d'une clarté et d'une puissance qui ne laissent pas d'étonner.
Ce volume de l'oeuvre poétique de Du Fu (712-770) comprend 109 poèmes rédigés pendant la première phase de la guerre civile qui déchire l'Empire des Tang, du début de l'hiver 755 au début du printemps 759. Durant cette période, les deux capitales impériales, Luoyang et Chang'an, furent occupées et pillées par les forces rebelles du général An Lushan. L'empereur Xuanzong est contraint à la fuite en juillet 756, son départ provoquant l'effondrement du régime et la fin d'un âge d'or ; son fils, Suzong, prend les commandes de la résistance loyaliste et reconquiert la plaine centrale et les deux capitales en 757, au prix d'un lourd bilan humain. La rébellion se replie au nord et parvient à reconstituer ses forces, faute pour Suzong et son gouvernement d'avoir su profiter de leur avantage. En avril 759, l'armée impériale sera défaite à nouveau.
Du Fu chante sur un mode épique la chute de l'Empire, la désolation des défaites, la précarité des grands et des humbles, et l'espoir de la reconquête. Sa voix, que les épreuves personnelles mûrissent, est à la hauteur de l'Histoire qui se déroule sous ses yeux : plusieurs de ces textes sont devenus, au fil des siècles, des monuments comparables aux plus belles pages des tragédies de Shakespeare ou des épopées de Victor Hugo.
La restauration de l'ordre impérial en 758 n'apporte pas le réconfort attendu. Le sort s'acharne sur Du Fu qui est limogé de la Cour dans le cadre d'une purge qui touche ses protecteurs et ses collègues. Rétrogradé à un poste d'administrateur dans une préfecture, il constate l'écart entre son ambition politique et la réalité des désordres. Ses poèmes deviennent caustiques et dépressifs, car « quand le vent d'automne mugit dans le ravin, l'orchidée émeraude perd son fragile parfum ... quand les honneurs l'emportent sur les mérites, au soir de la vie on connaît de sévères gelées ».
Nicolas Chapuis, né en 1957, a suivi des études de langue et civilisation chinoises aux Langues'O et à l'Université Paris VII. Diplomate de carrière, il a séjourné plus de quinze ans en Chine, où il a été notamment conseiller culturel auprès de l'ambassade de France. Outre ses traductions de littérature contemporaine (Ba Jin, Yang Jiang), son intérêt pour la poésie classique chinoise a donné lieu à une traduction des Cinq Essais de Poétique de Qian Zhongshu (1987) et à un essai intitulé Tristes Automnes - poétique de l'identité dans la Chine ancienne (2001).