Paru le 15/05/2003 | Relié sous jaquette 193 pages
Tout public
préface Raphaël Enthoven
L'extravagante collection de Jean Paul Barbier-Mueller est une orgie froide où s'embrassent les pendentifs, les chaînes, les calebasses, les fibules, les brassards, les situles, les dentelles et les dents de scie, où les phallus d'argile fécondent les perles ambrées, où les époux de l'autre monde s'enlacent devant des masques sans tête, des yeux sans pupille, des têtes sans corps et des hommes sans bras, où le cheval grimpe sur l'oiseau, où l'ichtyosaure danse avec le gendarme, et où enfin le paon, dos tourné, triomphe du cerf sous l'oeil indifférent d'un poisson vertical... Du bouclier guinéen aux lampes à arceaux, des flasques géantes aux toreros minoens, des bols évasés aux jarres asymétriques, des statuettes faites de trois pierres aux cloches péri-dôngsoniennes, du phacochère au serpent, du chasse-mouches au bouclier de parade, du sifflet au masque arachnéen, du siège au totem, tout conspire à célébrer les noces erratiques du Bizarre et du Beau. Dans ce monde qui devance et précède le nôtre, il ne manque au génie rudimentaire, comme à son thuriféraire, qu'une peau de chagrin...
Raphaël Enthoven
Jean Paul Barbier-Mueller
Jean Paul Barbier-Mueller, né en 1930, fonde le musée d'art africain, océanien et asiatique qui porte son nom, en 1977, à Genève. Vingt ans plus tard, il crée une autre institution muséale à Barcelone, en association avec la mairie de cette ville, consacrée cette fois aux arts de l'Amérique précolombienne. À la tête des deux musées, en vingt-cinq ans, il s'est assuré la collaboration d'environ deux cents ethnologues, anthropologues et historiens de l'art les plus réputés, pour publier cinquante-huit catalogues d'expositions présentées, outre à Genève et à Barcelone, dans de grands musées d'Europe, des Etats-Unis et d'Extrême-Orient. Toutes ces expositions et ces publications ont été nourries par des oeuvres provenant exclusivement des collections familiales, commencées vers 1918 par le père de Monique Barbier-Mueller et complétées dès 1955 par sa fille et son gendre. Jean Paul Barbier-Mueller est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Civilisations disparues, paru en 2000, où il passe en revue la culture des Celtes, des Etrusques, des Ibères et d'autres moins connues. Collectionneur «d'arts lointains», Jean Paul Barbier-Mueller est aussi un connaisseur averti de la poésie française de la Renaissance. Le catalogue de sa bibliothèque, rédigé par ses soins, comporte déjà six volumes in-folio.
Raphaël Enthoven
Ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, âgé de 27 ans, Raphaël Enthoven n'est ni ethnologue, ni ethno-esthéticien, ni anthropologue, ni archéologue, ni conservateur, ni même collectionneur. Il ne se connaissait, à vrai dire, aucune affection particulière pour les arts «premiers», avant de faire la connaissance de Jean Paul Barbier-Mueller et de ses «rêves de collection». Aujourd'hui l'inculture demeure, mais elle est tempérée par l'admiration nouvelle et inattendue que lui inspirent ces fragments magnifiques. Par ailleurs agrégé de philosophie, il enseigne l'esthétique à l'université de Jussieu dans le Ve arrondissement de Paris et anime un séminaire de philosophie générale à l'université populaire de Caen. Il travaille actuellement à la rédaction d'une thèse sur les différents aspects du nihilisme contemporain et les formes prises par la pulsion de mort dans les rapports amoureux.
