Collection(s) : L'Europe en perspective
Paru le 16/09/2003 | Broché 542 pages
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S'il existe des écrivains de l'aube, il en est d'autres au contraire qui attendent que tout, autour d'eux, se soit éteint pour commencer à écrire. Face à une modernité qui n'a cessé de célébrer, à l'orée du XXe siècle, l'aurore d'une nouvelle ère, Thomas Mann (1875-1955, prix Nobel de littérature en 1929) s'est voulu le dernier créateur à hériter, au nom de la noblesse de l'esprit, de la culture européenne d'hier.
Aussi faut-il dès lors lire toute son oeuvre romanesque, des Buddenbrook (1900) à La Montagne magique (1924) et de la tétralogie de Joseph et ses frères (1934-1943) au Docteur Faustus (1947), comme la voix même de la "Sehnsucht", un monument à la louange de ce qui a été et ne sera plus. Ce serait là fixer la création littéraire au dernier moment de sa possibilité, là où le roman peut encore advenir comme texte ultime.
Car c'est bien à une cérémonie des adieux que nous convie celui que l'on a appelé le magicien de la littérature allemande de ce siècle. Sommes-nous prêts, nous ses lecteurs d'aujourd'hui, à devenir les spectateurs de ce crépuscule du sens ? Et à quoi bon écrire quand le monde croule ? Ainsi se formule, dans l'oeuvre de Thomas Mann, la question la plus difficile mais aussi la plus passionnante - sans doute la dernière interrogation de notre littérature européenne.
Pascal Dethurens, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, est Professeur à l'Université de Strasbourg, où il dirige l'Institut de Littérature Générale et Comparée. Il est l'auteur de plusieurs livres sur la littérature européenne du XXe siècle.